Ces 13 soudeurs aux certificats de qualification falsifiés dont le chantier d'Iter se serait bien passé
L'autorité de sûreté nucléaire (ASN) a confirmé mardi 30 mai 2023 que 13 soudeurs ont falsifié leur certificat de qualifications pour travailler sur le chantier de construction du réacteur expérimental international Iter, à Cadarache (Bouches-du-Rhône). L’agence de sécurité rassure quant à l’absence de défaut de compétence ou de réalisations non conformes.
La nouvelle a été confirmée par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) mardi 30 mai 2023. Treize soudeurs faussement qualifiés ont travaillé sur le chantier de construction du réacteur thermonucléaire expérimental international Iter, à Cadarache (Bouches-du-Rhône). La direction du site a alerté elle-même l’ASN après sa découverte de la falsifications des certificats.
«On a identifié le 3 mars 2023, dans le cadre d’une procédure de contrôle classique, que 13 certificats de soudeurs envoyés par une entreprise sous-traitante étaient non conformes. Le directeur général d’Iter Organization, Pietro Barabaschi, a immédiatement prévenu l’ASN», raconte à L'Usine Nouvelle Robert Arnoux, responsable communication d’Iter.
Un mois plus tard, le 4 mai, une lettre est publiée sur le site internet de l’ASN, dans laquelle le gendarme du nucléaire français demande à Iter Organization de «préciser l'étendue des falsifications mises en lumière et leur éventuel impact sur des activités portant sur des équipements importants pour la sûreté». Fort heureusement, sous réserve des investigations complémentaires attendues, «il n'a pas été identifié d'impact direct tel qu'un défaut de compétence des intervenants ou une activité réalisée non conforme», rassure l’ASN.
Réaction immédiate d’ITER
Iter Organization a pris rapidement les mesures nécessaires, telles qu’«interdire l’accès du chantier aux 13 soudeurs, suspendre les contrats d’embauche avec l’entreprise sous-traitante, détruire et refaire toutes les soudures effectuées par les 13 soudeurs concernés, procéder à une évaluation complète de tous les certificats de soudage à l’échelle du site…», détaille Robert Arnoux. «On a listé toutes les soudures à disqualifier : elles n’étaient pas effectuées sur des équipements de sûreté nucléaire mais sur des supports de câbles, sur la tuyauterie de ventilation, sur le circuit d’air conditionné, entre autres.» D’après Robert Arnoux, les inspections étant régulières, les soudeurs faussement qualifiés ne sont pas restés très longtemps opérationnels. Iter Organization a porté plainte contre l’entreprise sous-traitante.
Une situation déjà rencontrée dans une usine Orano
Cet incident n’est pas sans rappeler un autre : la découverte en 2021 de trois soudeurs non qualifiés à l'usine de retraitement Orano de La Hague (Manche). Suite à cette découverte, les trois soudeurs avaient validé leurs épreuves à l'école de soudage de Cherbourg (Manche) puis été qualifiés par le spécialiste dans le domaine des matières nucléaires. L’ASN s’était alors voulu rassurante : «les soudeurs avaient les compétences, mais pas les documents en attestant». Avec cette nouvelle affaire, l’autorité de sûreté insiste sur «l'importance, pour les exploitants, de réaliser de manière rigoureuse leurs activités de surveillance des intervenants et de contrôle technique des chantiers réalisés.»
Soudeur, une denrée rare
«Le risque d'irrégularité peut être aggravé par le contexte actuel de très fortes tensions sur les métiers du soudage, qui amènent les entreprises prestataires et leurs salariés à faire face à une très forte demande, et les donneurs d'ordre à aller chercher des professionnels au-delà de leurs partenaires habituels», alerte l’ASN. Le redémarrage de l’activité industrielle n'a arrange rien. Alors que la France s’apprête à relancer son programme nucléaire et qu’EDF mène un vaste projet de réparation de fissures sur son parc, les compétences en soudage sont particulièrement prisées.
Le projet Iter prend du retard
Le projet de construction de réacteur expérimental de fusion nucléaire Iter vise à révolutionner la production d'énergie, en diminuant notamment la quantité de déchets radioactifs. Le chantier est extrêmement complexe et accumule un retard de plusieurs années. La première fusion initialement prévue pour 2016 a déjà été reportée à 2025 et risque d'être décalée à 2030. L’impact de la pandémie de Covid-19 sur le ralentissement du chantier est plutôt mineur. «Le gros du retard évalué provient de la mise en évidence de défauts sur des pièces gigantesques, dont certaines venaient d’être installées. Des défauts de non-conformité dimensionnelle (plus de déformations que prévu dans le processus de soudage) et des fissures dans le circuit de refroidissement», pointe Robert Arnoux. «Ces pièces sont les plus complexes au monde, elles sont hautes comme un immeuble de cinq étages et lourdes comme un A380, personne n’a jamais fait cela.»